Tempus Fugit ! Les plaisirs de la vie sont le futur du Pays
𝑪𝒉𝒂𝒒𝒖𝒆 𝒎𝒐𝒊𝒔, 𝒍𝒆𝒔 𝑰𝒏𝒕𝒆𝒎𝒑𝒐𝒓𝒆𝒍𝒔 𝒑𝒓𝒐𝒑𝒐𝒔𝒆 𝒅𝒆𝒖𝒙 é𝒄𝒍𝒂𝒊𝒓𝒂𝒈𝒆𝒔 𝒔𝒖𝒓 𝒖𝒏𝒆 𝒒𝒖𝒆𝒔𝒕𝒊𝒐𝒏 𝒑𝒐𝒔é𝒆 𝒐𝒖 𝒖𝒏 𝒎𝒐𝒎𝒆𝒏𝒕 𝒗é𝒄𝒖 𝒑𝒂𝒓 𝒅𝒊𝒇𝒇é𝒓𝒆𝒏𝒕𝒔 𝒊𝒏𝒅𝒊𝒗𝒊𝒅𝒖𝒔 : 𝒒𝒖’𝒊𝒍𝒔 𝒔𝒐𝒊𝒆𝒏𝒕 𝒓𝒆𝒏𝒄𝒐𝒏𝒕𝒓é𝒔 𝒅𝒂𝒏𝒔 𝒍𝒂 𝒓𝒖𝒆, 𝒐𝒖 𝒅𝒂𝒏𝒔 𝒍𝒆 𝒎𝒐𝒏𝒅𝒆 𝒗𝒊𝒓𝒕𝒖𝒆𝒍, 𝒄𝒆 𝒔𝒐𝒏𝒕 𝒅𝒆 𝒍𝒆𝒖𝒓𝒔 𝒑𝒓𝒐𝒑𝒓𝒆𝒔 𝒄𝒐𝒏𝒔𝒕𝒂𝒕𝒔 𝒒𝒖𝒆 𝒔𝒆 𝒅é𝒓𝒐𝒖𝒍𝒆 𝒅𝒆𝒓𝒓𝒊è𝒓𝒆, 𝒖𝒏𝒆 𝒂𝒏𝒂𝒍𝒚𝒔𝒆 𝒕𝒆𝒎𝒑𝒐𝒓𝒆𝒍𝒍𝒆. 𝑪𝒆𝒍𝒍𝒆-𝒄𝒊 𝒆𝒔𝒕 𝒏𝒐𝒏 𝒆𝒙𝒉𝒂𝒖𝒔𝒕𝒊𝒗𝒆, 𝒆𝒍𝒍𝒆 𝒑𝒐𝒓𝒕𝒆 𝒖𝒏 𝒑𝒐𝒊𝒏𝒕 𝒅𝒆 𝒗𝒖𝒆, 𝒎𝒂𝒊𝒔 𝒏𝒆 𝒔𝒆 𝒗𝒆𝒖𝒕 𝒑𝒂𝒔 à 𝒄𝒂𝒓𝒂𝒄𝒕è𝒓𝒆 𝒖𝒏𝒊𝒗𝒆𝒓𝒔𝒊𝒕𝒂𝒊𝒓𝒆. 𝑬𝒍𝒍𝒆 𝒆𝒔𝒕 à 𝒍𝒂 𝒄𝒓𝒐𝒊𝒔é𝒆 𝒅𝒆𝒔 𝒎𝒐𝒏𝒅𝒆𝒔 : 𝒅𝒆 𝒄𝒆𝒍𝒖𝒊 𝒒𝒖𝒊 𝒓𝒂𝒄𝒐𝒏𝒕𝒆 𝒍𝒆 𝒑𝒂𝒔𝒔é, 𝒅𝒆 𝒄𝒆𝒍𝒖𝒊 𝒒𝒖𝒊 𝒓𝒆𝒄𝒉𝒆𝒓𝒄𝒉𝒆 𝒅𝒂𝒏𝒔 𝒍𝒆 𝒑𝒓é𝒔𝒆𝒏𝒕, 𝒅𝒆 𝒄𝒆𝒍𝒖𝒊 𝒒𝒖𝒊 𝒊𝒎𝒂𝒈𝒊𝒏𝒆 𝒍𝒆 𝒇𝒖𝒕𝒖𝒓. 𝑪𝒆𝒔 é𝒄𝒓𝒊𝒕𝒔 𝒔𝒐𝒏𝒕 𝒐𝒖𝒗𝒆𝒓𝒕𝒔 à 𝒒𝒖𝒊 𝒔𝒐𝒖𝒉𝒂𝒊𝒕𝒆𝒓𝒂𝒊𝒕 𝒍𝒆𝒔 𝒄𝒐𝒎𝒑𝒍é𝒕𝒆𝒓 - à 𝒕𝒐𝒖𝒕𝒆𝒔 𝒍𝒆𝒔 (𝒃𝒊𝒆𝒏 𝒊𝒏𝒕𝒆𝒏𝒕𝒊𝒐𝒏𝒏é𝒆𝒔) 𝒐𝒏𝒅𝒆𝒔 𝒑𝒂𝒔𝒔𝒂𝒏𝒕𝒆𝒔.
𝓛𝓸𝓻𝓼𝓺𝓾𝓮 𝓽𝓾 𝓯𝓮𝓻𝓶𝓮𝓼 𝓵𝓮𝓼 𝔂𝓮𝓾𝔁
𝓘𝓵 𝔂 𝓪 𝓹𝓵𝓮𝓲𝓷 𝓭𝓮 𝓹𝓮𝓽𝓲𝓽𝓼 𝓹𝓸𝓲𝓷𝓽𝓼 𝓵𝓾𝓶𝓲𝓷𝓮𝓾𝔁
𝓤𝓷𝓮 𝓵é𝓰𝓮𝓷𝓭𝓮 𝓭𝓲𝓽
𝓺𝓾’𝓲𝓵𝓼 𝓼𝓸𝓷𝓽 𝓪𝓾𝓽𝓪𝓷𝓽 𝓭𝓮 𝓹𝓮𝓽𝓲𝓽𝓼 𝓹𝓵𝓪𝓲𝓼𝓲𝓻𝓼
𝓺𝓾𝓲 𝓽’𝓲𝓷𝓿𝓲𝓽𝓮𝓷𝓽 à 𝓵𝓮𝓼 𝓼𝓪𝓲𝓼𝓲𝓻
Quel est votre plaisir simple de la vie ? A cette question, on peut répondre comme l’a fait Romain, que l’on en a “hélas pas qu’un”. Il en existe en effet des mille et des cents :
𝑳𝒆 𝒄𝒂𝒇𝒆́ 𝒔𝒖𝒓 𝒍𝒂 𝒕𝒆𝒓𝒓𝒂𝒔𝒔𝒆 - 𝒍𝒂 𝒍𝒊𝒕𝒕𝒆́𝒓𝒂𝒕𝒖𝒓𝒆 - 𝒍𝒆𝒔 𝒓𝒂𝒚𝒐𝒏𝒔 𝒅𝒖 𝒔𝒐𝒍𝒆𝒊𝒍 𝒅𝒖 𝒎𝒂𝒕𝒊𝒏 - 𝒆𝒏𝒕𝒆𝒏𝒅𝒓𝒆 𝒍𝒆𝒔 𝒐𝒊𝒔𝒆𝒂𝒖𝒙 𝒒𝒖𝒊 𝒄𝒉𝒂𝒏𝒕𝒆𝒏𝒕 - 𝒓𝒆𝒈𝒂𝒓𝒅𝒆𝒓 𝒍𝒂 𝒎𝒆𝒓 - 𝒆̂𝒕𝒓𝒆 𝒑𝒂𝒔𝒔𝒊𝒐𝒏𝒏𝒆́ 𝒑𝒂𝒓 𝒖𝒏 𝒃𝒐𝒖𝒒𝒖𝒊𝒏 - 𝒔𝒐𝒖𝒓𝒊𝒓𝒆 - 𝒗𝒐𝒊𝒓 𝒍𝒆 𝒋𝒐𝒖𝒓 𝒔𝒆 𝒍𝒆𝒗𝒆𝒓 - 𝒆́𝒄𝒐𝒖𝒕𝒆𝒓 𝒅𝒆 𝒍𝒂 𝒎𝒖𝒔𝒊𝒒𝒖𝒆 - 𝒅𝒂𝒏𝒔𝒆𝒓 - 𝒔𝒆 𝒃𝒂𝒍𝒂𝒅𝒆𝒓 𝒅𝒂𝒏𝒔 𝒍𝒂 𝒏𝒂𝒕𝒖𝒓𝒆 - 𝒑𝒂𝒓𝒕𝒂𝒈𝒆𝒓 𝒅𝒖 𝒕𝒆𝒎𝒑𝒔 𝒂𝒗𝒆𝒄 𝒔𝒆𝒔 𝒂𝒎𝒊𝒔 𝒆𝒕 𝒔𝒂 𝒇𝒂𝒎𝒊𝒍𝒍𝒆 - 𝒎𝒂𝒏𝒈𝒆𝒓 𝒅𝒆𝒔 𝒄𝒓𝒆̂𝒑𝒆𝒔 - 𝒏’𝒆̂𝒕𝒓𝒆 𝒐𝒃𝒍𝒊𝒈𝒆́ 𝒂̀ 𝒓𝒊𝒆𝒏 - 𝒂𝒗𝒐𝒊𝒓 𝒅𝒖 𝒕𝒆𝒎𝒑𝒔 𝒑𝒐𝒖𝒓 𝒔𝒐𝒊 - 𝒔𝒆 𝒑𝒍𝒐𝒏𝒈𝒆𝒓 𝒅𝒂𝒏𝒔 𝒍’𝒊𝒎𝒂𝒈𝒊𝒏𝒂𝒊𝒓𝒆..(...)
Certains plaisirs de la vie sont fortement liés à nos sens : à la vue, à notre odorat, au goût, au toucher, au son. Ils évoquent des souvenirs à la manière de la madeleine de Proust. D’autres, viennent nourrir notre sensibilité, voire notre spiritualité. Ils sont un apaisement pour l’âme. Ils partagent le trait commun d’avoir un début et une fin, une durée déterminée. Faut-il encore pouvoir les saisir lorsqu’ils arrivent et provoquer le temps de leurs apparitions.
Des qualités inéquitablement partagées à travers les époques ;)
Au Moyen-âge, Jean Verdon, raconte les plaisirs de la sociabilité, de la taverne, de la fête. C’est d’ailleurs ce qui ressort en premier lieu lorsque l’on s’interroge au Plaisir : sont évoqués les jeux, les spectacles et les arts, la nourriture abondante et fine, (sous forme de grands banquets) et la sexualité. On s’éloigne alors un peu du plaisir simple qui doit amener à la tranquillité à la façon d’Epicure, et on bascule plutôt dans une vision du plaisir comme étant un divertissement. Comme si le ressenti du plaisir (immédiat) était déconnecté de ses autres vertus plus philosophiques. Une vision qui reste prônée de manière contemporaine.
Le 15 décembre 1989, dans sa fameuse émission Apostrophe, Bernard Pivot se consacre aux plaisirs populaires. Pour ce faire, l’émission est tournée comme si elle se déroulait dans un bistro. On y parle de pêches de vigne, de miel, de saint-émilion, de cuisine du périgord et de sa fameuse trilogie à la Pagnole faite de foie gras, de cèpes, et de truffes. Mais Jean-Pierre Coffe alors de rappeler dès l’ouverture que le progrès n’engendre ni forcément le plaisir, ni vraiment la qualité. Mais il est là encore là sur ce plateau aménagé, question des plaisirs de la table et de ceux qui ne sont pas parmi les moins coûteux au regard des mets présentés. On peine alors à trouver que ces plaisirs soient “simples”, ou bien même “populaires”. On semble alors encore éloigné de l’otium des Romains, de ce temps libre destiné aux plaisirs de l’âme.
Que sont-ils devenus ?
En 1999, l’Orient le Jour publie un article à partir d’un micro-trottoir où sont interrogées plusieurs personnes sur leurs “petits plaisirs de la vie”, l’énumération est belle, elle invite à sourire aussi, parce que l’article a été écrit il y a maintenant 24 ans et conserve des tournures un peu datées. Mais il y a ce passage, qui a gardé sa pleine actualité :
Comme la tasse de café du matin, ces moments agréables disparaissent faute de disponibilité chez des personnes qui entament une course contre la montre chaque fois que le soleil se lève. Respirer le parfum d’une fleur, dormir dans des draps frais, prendre un café chaud le matin, croquer les oreilles d’un petit beurre, regarder les barques des pêcheurs la nuit, sentir la caresse du soleil sur sa peau… Les plaisirs simples, petits bonheurs quotidiens, existent. Ils sont liés aux différents moments de la journée, aux saisons ainsi qu’aux affinités et habitudes de chacun. Bien qu’accessibles à tous, ils passent souvent inaperçus. «Nommez un plaisir simple». La phrase semble incompréhensible à beaucoup. Et c’est surtout en pensant à ce dont on pourrait être privé dans notre quotidien que l’on trouve souvent la réponse.
Guy Debord, dans son ouvrage “ La société du spectacle” en 1967 expose comment nos modes de production, la diffusion de ces modèles par les médias et le progrès perpétuel des technologies sont venus considérablement accélérer nos modes de vie. On aurait progressivement basculé dans un monde dominé par la marchandise. On serait aliéné par la société de consommation qui aurait envahi tous nos espaces. Il existerait ainsi une scénographie permanente : du politique, du travail, du divertissement, pour nous pousser à désirer, acheter et consommer - ce que l’on ne souhaiterait pas forcément. On se serait ainsi très éloigné de la possibilité même, de capter des plaisirs plus simples de la vie - par manque de temps, par pollution de l’esprit.
Mais cette accélération a été remise en cause aussi bien par de nouvelles manières de penser le monde, que par le monde, qui de lui-même s’est arrêté lors de la pandémie.
Depuis plusieurs années, des concepts anciens, plutôt issus des pays nordiques, sont présentés comme de nouvelles “tendances” ou philosophies de vie : le coorie écossais, qui signifie se “recroqueviller, se pelotonner”, imagée par (beaucoup) de tweeds rapportés sur un canapé au coin d’une cheminée et entouré de ses proches. Il existe également le niksen hollandais, qui invite simplement à ne rien faire. Et si l’on s’intéresse aux nations les plus heureuses du monde, il devient alors naturel de regarder le fameux hygge danois - qui signifie “bien-être” et qui est inspiré de la période où la Norvège et le Danemark ne formaient qu’un seul pays. Il renvoie à l’image de foyers chaleureux, où amis et familles se réunissent, aux moments passés à “cocooner” (le terme le plus proche en français) avec un chocolat chaud, en restant chez soi.
En Suède, existe une philosophie de vie qui invite au “ni trop, ni trop peu” pour pouvoir être heureux et qui est appelée “lagom”. Le lagom se décline dans les intérieurs que l’on connaît tous, mais aussi dans les loisirs et le travail : seul 1% de la population active suédoise effectue des heures supplémentaires, l’un des taux les plus bas de l’OCDE. Ces organisations et philosophies humaines renvoient aussi à des stratégies de survie hivernale : pour se protéger du manque de lumière, des nuits qui tombent à 15heures, il aurait fallu trouver des moyens de pouvoir continuer à se faire du bien.
Il y a quelque chose dans ces différents arts de vivre qui font écho aux premières sagesses antiques évoquées plus haut - mais que l’on peine peut-être à embrasser pleinement, tant l’exportation de ces concepts peut paraître surfaite, fabriquée et constituer de nouveau, une nouvelle injonction, une nouvelle mise en scène d’une réalité, qui n’aurait pas pu être changée en profondeur.
Nous avons pourtant eu l'occasion de voir le temps se ralentir. Au mois de février 2020 - il aura fallu sur certains continents, tirer pour quelques semaines le rideau et la cadence de certains de ces spectacles auxquels nous étions habitués à assister. Et l’occasion de voir s’ouvrir une période aux nombreuses ambiguïtés.Notre rapport au temps a été modifié : au temps de loisir, au temps de travail, au temps passé avec ses proches. Aussi sombre cette période aura-t-elle pu être, elle aura également révélé des ressources et des potentiels humains.
David Gaulett, Professeur à l’université métropolitaine de Toronto, a mené un projet de recherche pour tenter de comprendre comment la pandémie avait affecté les capacités créatives et les façons de percevoir le monde des individus. Il précise :
« Dans notre étude, presque tout le monde a constaté que la pandémie avait eu cette utilité – celle d’offrir l’occasion de réfléchir à ce que l’on fait, comment et pourquoi. »
La réflexion semble avoir été de trop courte durée et nos modes de vie sont rapidement revenus à la normale. Mais pas tout à fait quand même - et surtout sur notre rapport au travail : généralisation du travail à distance, expériences sur la semaine de 4 jours, quiet quitting, reconversions.. Il règne dans l’atmosphère le souhait d’avoir plus de temps pour soi. Pour profiter de la vie et de ses plaisirs, mais que l’on semble ne pas parvenir à s’offrir. Quel(s) levier(s) faudrait-il alors actionner ? Est-ce que faire appel à nos imaginaires pourrait nous aider ?
Conseil à la lecture : Tempus Fugit signifie “ le temps passe vite ” en latin
Un matin d’un 1er janvier, le Pays s’est éveillé. Sans se souvenir s'il s’était vraiment endormi, ni si la date du jour était celle du 1er janvier. Mais comme il était admis que la date d’hier était celle du 31 décembre - alors on en déduisit qu'il s’agissait bien du 1er jour de l’année. On ne savait plus vraiment parce que chaque aiguille de chaque montre, de chaque réveil, de chaque horloge, de chaque cadran de chaque personne s’était arrêtée. Il en allait de même pour chaque petit objet numérique. Ces derniers n'affichaient plus que des bribes incompréhensibles sur les écrans.
Les premiers jours furent étonnamment doux. Il fallait laisser le temps au Gouvernement de se creuser les méninges pour établir le plus rapidement possible de nouvelles règles. On mit alors en place les mêmes mesures que lors de la grande pandémie de 2020. Mais cette fois-ci, sans obliger personne à rester chez soi. On pouvait ainsi ne pas se rendre au travail, et réaliser les tâches attendues avec plus de souplesse. Les vols étaient suspendus et les communications avec l’Etranger étaient de toute façon bloquées. Seules les urgences étaient bien sûr ouvertes et fonctionnelles. Elles avaient très rapidement adopté un système de mesure de la fatigue des soignants à chaque variation majeure de la luminosité extérieure. Et puis, il existait une règle : ils étaient sommés de rentrer chez eux si jamais ils voyaient deux fois la nuit tomber.
C'était la période de ce que les plus anciens auraient normalement appelé hiver, mais ils étaient tous formels : le temps extérieur était celui du printemps. Il était clément et la nature avait pris ses airs de couleurs pastel.
On pouvait observer à travers tout le Pays et à chaque levée du jour, des petits groupes d’immobiles s’activer pour proposer des activités à faire lors de la journée. Il y avait alors des stands pour se retrouver, mais sans qu’aucun horaire de rencontre ne soit fixé. Chacun pouvait alors débuter une activité avec d’autres, déambuler et puis partir, lorsque l’envie lui était passée. Les propositions étaient variées : on vit apparaître des ateliers de fresques murales pour habiller les rues par le dessin, des cercles de parole pour parler du temps et du “Monde à venir”. Il s’agissait de pouvoir trouver ce qui faisait “temps” commun. De nombreux jeux furent aussi créés. L’un d’entre eux en particulier, connut un franc succès : “ “le tempus fugit” qui, permettait à différents joueurs d’avoir un pouvoir sur le temps (l’arrêter, l’accélérer, le ralentir) pour ensuite construire une société viable. Le gagnant était celui qui parvenait au bon équilibre entre les ressources de départ, le bonheur des êtres vivants et la pérennisation de ce monde. Les stressés se révélèrent particulièrement actifs sur le développement de ce jeu, et voulurent rapidement en montrer les évolutions et les revendications qui en émergeaient au Gouvernement. Petit à petit, des slogans et des affiches ont fleuri dans toutes les villes du Pays. On pouvait lire :
Aujourd’hui j’ai eu le temps de prendre un café
Aujourd’hui j’ai eu le temps de rêver
Aujourd’hui j’ai eu le temps de contempler
Aujourd’hui j’ai eu le temps d’aimer
Aujourd’hui j’ai eu le temps de choyer
Aujourd’hui j’ai eu le temps de lire
Aujourd’hui j’ai eu le temps de m’évader
Aujourd’hui j’ai eu le temps de rire
Aujourd’hui j’ai eu le temps de penser
Et je me suis senti vivant et je me suis sentie vivante.
Voici par quoi terminait chacune de ces inscriptions.
Le Gouvernement prit peur : et si le temps ne revenait jamais ? Et si nous ne pouvions pas revenir en arrière ? Il essaya d’établir un Conseil Supérieur du temps d’urgence. Mais l’annonce ne fut connue par personne. Le Pays était si empêtré dans des règles particulières qu’il ne parvint pas, lors de sa première tentative, simplement à se faire entendre. Le Gouvernement fit alors sonner dans toutes les villes, les sirènes des pompiers à l’heure de l’aube orangée pour pouvoir s’exprimer. Personne ne comprit rien à l’allocution. Pas même ceux qui devaient ensuite appliquer les mesures annoncées. Le Gouvernement s’était essayé à un produire un code du temps associé aux couleurs de la journée. Mais il était si subjectif, et si peu partagé par tous, qu’il ne fut jamais utilisé. Les stressés prirent très mal cette décision qu’ils jugeaient absurde, incompréhensible, et surtout peu conforme à leurs préconisations pourtant longuement élaborées.
Devant une telle cacophonie, les derniers pressés partirent. Le Gouvernement, craignant des affrontements, pris lui aussi la fuite. Ils ne restaient alors plus que les stressés et les immobiles. Au petit matin, ils étaient de nouveau réunis :
Qu’allons-nous faire aujourd’hui ? s’inquiétèrent les stressés
“Tempus fugit” , si tel est votre plaisir ! répondirent les immobiles.
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